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Marseilleveyld Livre II
12 décembre 2007

Joyeux Noël!

Noël approche, et je tenais absolument à illustrer et faire connaître un des réquisitoirs de Pierre Desproges. Peut être le plus triste, mais un de mes préférés. Voilà donc, retranscris par mes soins (désolée pour le totgraffe, je pense pas pouvoir faire un bon Greffier) le réquisitoire de William Sheller.

Françaises, Français, Belges, Belges, mon président mon chien, Monsieur l’avocat le plus bas d’inter, mon petit William chéri, mesdames et messieurs les jurés, publique chéri mon amour, *smack*

Bonjour ma colère, salut ma hargne, et mon courroux COUCOU !

Donc, William Sheller est coupable. Mais Nicolas veut pas qu’on l’embête, qu’on laisse rentrer chez lui. Qu’on l’acquitte merde, c’est noël ! Pac somnibus salare d’autobus. Alléluia mes frères, jésus est né ! Redonne moi du boudin blanc, passe le caviar, une cuillérée pour l’tiers monde, une cuillérée pour mère Thérésa, Joyeux Noel à tous !

[…]

Je vais vous racontez le véritable conte de noël qui m’est arrivé pas plus tard qu’hier, vous allez rire. J’ai rencontré la Mort. Si je vous dis où, vous n’allez pas me croire. J’ai rencontré la Mort a l’angle et de la rue Sébastopol et de la rue Blondel. (Je signal à l’intention des   ploucs de la France profonde que la rue Blondel est ce qu’il est convenu d’appeler une « rue Chaude » […] )

«  Tu viens Chéri ? » me dit la mort. C’était une voie presque inhumaine à force de beauté, une voie aspirante, celle la même sans doute qui faillit perdre Ulysse. Je freinais pile des deux pieds et je m’tournais vers elle… Aaah la la la la la la… Je m’doutais bien que la Mort était femelle, mais pas à c’point ! Elle avait mit ses cuissardes noires des gouttiers d’l’enfer et son corset des sombres dimanches d’où jaillissait ses seins livides et ronds comme l’éternité. Son visage d’albâtre maquillé d’écarlate irradiait de cet état de grâce enfantine nourrie d’obscénités tranquilles et d’impudeur insolente qui vient aux adolescentes à leur trouble des premiers frissons du ventre.

desproges_4

«  Tu viens Chéri ? » J’m’attendais à c’qu’elle ajouta les vers qu’elle chanta naguère pour attirer le poète dans l’guépier d’sa guépière : « si tu t’couche dans mes bras alors la vie de semblera alors plus facile, tu y seras hors de portée des chiens des loups, et des imbéciles »

«  Alors, tu viens ?

- Heuuu… je peux pas madame. Heu… pas aujourd’hui, aujourd’hui ça m’arrange pas de mourir, c’est bientôt Noël… euh.. n’est-ce pas, faut me comprendre » Faut vous dire que je revenais des grands magasins voisins les bras chargés de paquets pour les enfants, toute la ville frémissait et trépidait de cette espèce d’exaltation électrique et colorée qui agite les familles autant qu’elle racornie les solitaires à l’approche de Noël.

« Non vraiment madame, j’veux pas mourir aujourd’hui, j’ai l’sapin à finir.

- Sois pas stupides, viens chéri, si c’est l’sapin qui t’manque, j’t’en donnerais moi du sapin.

- Mais puisque je vous dis que je n’veux pas mourir !

desproges_2

- Pourquoi ?

- Pardon ?

- Mais sais tu seulement pourquoi tu n’veux pas mourir, dit encore la Mort

- Oh ben, j’sais pas moi hé ho, j’ai encore envie de rire avec ma femme et mes gosses, j’aime bien mon boulot, j’ai pas finis d’mettre le bordeaux en bouteille, et puis heu, j’attends euh… j’attends un coup d’fil de maman et puis, et puis d’abord faut que j’aille chercher mes chaussures chez le cordonnier de la rue des Pyrénées ! voila !

- Mon pauvre garçon, dit la Mort, tu es lamentable. Pour la première fois tu as la chance de voir la mort en face, et au lieu de coucher avec moi tu t’accroches à ton histoire de pompes même pas funèbres ? Enfin mon lapin, sois raisonables, regarde autour de toi, es tu vraiment sûr de pas n’en pas avoir assez de cette vie d’con ? »

Ah évidemment je jetais un regard circulaire sur l’boulevard la pluie glacée détrempée le trottoir gris, sale, jonchés des milles merdes molles des chiens d’imbéciles. Mes frères humains trépignaient connement entre les bagnoles puantes d’où s’exalait ça et là les voies faubouriennes et bovines des chauffeurs éthyliques englués à vie dans l’incurable sottise des revanchards automobiles glapissants de haines et suintant d’inintelligence morbide. Trois grands nègres souillés de misère et transits de froid s’appuyaient à une vitre, en grelottant dans la dignité autour des balais de caniveau pour lesquels ils avaient quittés la tiédeur enivrante de leur Afrique natale.

[…]

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«  Alors, tu viens Chéri ? » dit encore la mort dans un souffle infernal et brûlant, qui m’envahit l’cou jusqu’à la moelle.

« allez viens, j’te promet qu’la nuit sera longue, jt’e ferais tout oublier. Tu oubliera la pluie, ta vieillesse qui pointe, les passages cloutés, les bombes atomiques, Régo, le tiers provisionnel, et l’angoisse quotidienne d’avoir à s’lever le matin pour être sûr d’avoir envie de s’coucher l’soir.

- Excusez moi madame, mais vraiment, d’un côté il est vrai que ce monde est oppressant mais … d’un autre côté, depuis que j’ai connu ces étés lointains dans l’foin avec une mirabelle dans une main et al fille du fermier dans l’autre, j’ai pris l’habitude de vivre, et puis l’habitude vous savez c’que c’est, ça devient toujours une manie, vous comprenez, alors bon comme ça là, maintenant tout de suite, sans cancer ni infarctus, à la veille de noël, merde ça la fout mal. Avec la panoplie de Zorro et la poupée qui fait pipi toute seule dans les bras, j’aurais vraiment peur de manquer ma sortie. … En plus j’imagine ma femme accrochant ses guirlandes en haut de son escabeau quand on lui apprendra la nouvelle : « madame… soyez courageuse … votre mari, c’est affreux. » et elle « ouai, c’est toujours pareille, il est jamais là quand on a besoin d’lui c’est toujours les mêmes qui accrochent les guirlandes, j’en ai marre… ! » »

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Alors la Mort désespérée haussa les épaules et se rabattit sur un ptit vieux propret qui rentrait réveillonner tout seul dans sa chambre. A minuit il aurait rempli son verre de mousseux pour trinquer avec la télé en noir et blanc. Alors la mort l’a baisé à mort, à même le trottoir.

Donc William Sheller est coupable, mais son avocat nom de dieu vous en convaincra mieux que moi !

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Commentaires
L
si tu veux je t'aprendrais à te dessiner dans differents états d'âmes ^^ <br /> Caro qui n'a plus de céréale, Caro qui écoute france inter, caro fantasme devant une boutique de lingerie ...<br /> (hihi)
K
rrraaaaaaah tu m'énerves à dessiner aussi bien !!!<br /> j'en ai marre de tous ces gens qui dessinnent bien !!!<br /> <br /> j'arrive même pas à faire une perspective correcte ou un personnage de 3/4!!!!
L
^^<br /> Merchi beaucoup, parce-que la retranscription de Desproges à l'écrit, c'est pas du gateau ! merci!! ^^
M
alors là Lou, chapôô, encore plus que d'habitude!!!
Marseilleveyld Livre II
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